mardi 11 septembre 2018



Flash Info



[Communiqué]


Le Syndicat de la librairie française alerte les jurés du Prix Renaudot
sur les conséquences de la sélection d’un livre autoédité par Amazon

Le Prix Renaudot a dévoilé la semaine dernière une première sélection de 17 romans dont Bande de Français de Marco Koskas, ouvrage auto-édité sur la plate-forme d’Amazon. Par ce choix, le Prix Renaudot sait-il qu’il rend un bien mauvais service à l’auteur lui-même, aux libraires et donne un signal inquiétant pour l’avenir de la création et de la diffusion du livre ?

En premier lieu, ce titre, diffusé en exclusivité par Amazon, n’est, de ce fait, présent dans aucune des 3 500 librairies françaises. Comment priver un auteur du premier réseau de vente de livres en France quand l’objet d’un prix littéraire est de promouvoir auprès du public les titres sélectionnés ?

La commande de ce livre est techniquement et commercialement quasi impossible pour les libraires. Moralement, surtout, ceux-ci refusent de « se jeter dans la gueule du loup » car Amazon n’est pas un concurrent comme les autres. Il ne veut pas seulement s’imposer comme un acteur important du marché du livre, il veut devenir le marché à lui tout seul en éliminant ses concurrents, en organisant une concurrence déloyale, en échappant à l’impôt, en contournant le prix unique du livre et en remplaçant tout à la fois les éditeurs, les distributeurs et les libraires.

Ce modèle entraîne un risque réel pour la création et la diffusion du livre elles-mêmes. Certes, l’organisation actuelle de l’économie de notre secteur est perfectible, particulièrement pour les auteurs, les éditeurs indépendants ou les libraires. Mais combien est plus trompeur et plus sinistre le monde rêvé d’Amazon. Plus de hiérarchie entre les oeuvres, réduites à un simple identifiant sur une plate-forme, plus de ligne éditoriale mais des millions de titres accumulés sans repères, plus de présence du livre dans ces lieux vivants de « commerce » au coeur des villes et des quartiers, plus de passeurs engagés pour porter les oeuvres et les auteurs auprès des lecteurs, un algorithme sophistiqué et des entrepôts au lieu de la parole échangée.

Chers jurés, vous êtes écrivains. Comme nous, vous aimez les livres. Comme nous, vous défendez la création, par exemple en sélectionnant des premiers romans ou des titres de petites maisons. La renommée du Prix que vous portez vous confère une responsabilité particulière. Défendez le livre et non ceux qui le menacent.